Le jansénisme existe-t-il ?

Publié le par pourlan

"Le jansénisme est un fantôme" : dès le début, "janséniste" est une invective, dans laquelle aucun supposé janséniste ne se reconnaît. Saint-Cyran n'a sans doute jamais lu l'Augustinus, qui paraît lorsqu'il est en prison à Vincennes et surtout alors qu'il est affligé de troubles importants de la vue, qui ne le quitteront pas jusqu'à sa mort. Les partisans de la doctrine de Jansenius affirmeront toujours que les Cinq Propositions qui définissent les contours de la supposée hérésie ne sont en aucune façon contenues dans l'Augustinus lui-même. Enfin, dans son histoire, le courant janséniste a pris des formes très diverses, plongeant ses racines en trois "lieux" différents : Jansenius lui-même, Saint-Cyran, et la réforme de Port-Royal.

 

Jansenius tout d'abord : celui qui a laissé son nom au mouvement s'est rendu célèbre surtout par son principal ouvrage, l'Augustinus, lourd traité qu se veut une présentation exhaustive et systématique de la théologie augustinienne. Il n'y a là aucun intention "janséniste", au sens d'une doctrine spécifique : ce jansénisme-là est un augustinisme. L'ouvrage ne paraît qu'après la mort de son auteur. Il est d'abord accueilli très favorablement par les Oratoriens, les Dominicains et la Sorbonne. Les "Cinq Propositions" qui en seront extraites seront toujours présentées par ses défenseurs comme une caricature outrancière, ne reflétant en rien le contenu réel de l'ouvrage. Quant à l'hostilité de Richelieu à son égard, elle est sans doute motivée par le fait que Jansenius avait écrit un pamphlet (Mars Gallicus) dirigé contre sa politique expansionniste en Europe.

 

Saint-Cyran ensuite : le célèbre abbé, dont l'influence naît à Port-Royal lorsqu'il est invité par Zamet à prendre la défense de soeur Agnès et de son "chapelet secret", ne sera directeur du monastère que pendant un temps très court, puisqu'il est emprisonné par Richelieu dès 1638. S'il entretient depuis longtemps des liens d'amitié avec Jansénius, on a dit plus haut qu'il n'a sans doute jamais lu l'Augustinus, et ses propres écrits le situent finalement plutôt dans la tradition de l'Ecole française de spiritualité. Il va s'opposer toutefois aux Jésuites (et à Richelieu, qui a lui aussi des opinions en matière théologique) sur un point précis : alors que Richelieu et les Jésuites estiment que l'attrition suffit pour recevoir le sacrement de pénitence, il considère que la contrition est indispensable. Mais là n'est pas l'essentiel : Saint-Cyran se préoccupe plus de vie sprituelle que de théologie, et la véritable origninalité de son apport consiste dans les exercices spirituels qu'il recommande à se dirigés, centrés autour de la pratique des "renouvellements".

 

Port-Royal enfin : l'histoire du monastère, si étroitement liée à celle du supposé jansénisme, l'est tout autant, sinon plus, à celle de l'ordre de Cîteaux. La "journée du guichet", au cours de laquelle mère Angélique Arnauld va refuser à son père l'entrée du monastère, est en réalité l'affirmation du désir de l'abbesse de revenir à la pureté de la règle cistercienne, qui impose une clôture très stricte. Angélique et sa soeur Agnès vont être ensuite considérées comme les réformatrices principales des cisterciennes (mais non les seules, puisque la réforme de l'abbaye de Tart, première maison féminine de l'ordre, est l'oeuvre de Jeanne de Pourlan et de Zamet). L'opposition d'Angélique et de Zamet vient en partie du fait que Zamet souhaite retirer Angélique de Port-Royal pour la consacrer à la création de son institut du Saint-Sacrement ;  le retour d'Angélique à sa communuaté d'origine va être un retour dans l'rdre de Cîteaux. La spiritualité d'Angélique Arnauld est par bien des aspects profondément cistercienne (ainsi, le peu d'insistance mise sur l'oraison mentale, à laquelle elle préfère des prières coourtes et fréquentes).

 

Cf Jean ORCIBAL, "Qu'est-ce que le jansénisme" in

Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, N°3-5. pp. 39-53.

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